Quel zoom choisir pour ce documentaire, pour ce clip, pour cette fiction, lorsque l’on cherche des optiques multifocales peu encombrantes et pas trop lourdes? Ou parce qu’on part tourner loin, parce que le financement contraint de partir en équipe légère ou avec un équipement réduit ?

Nous sommes nombreux à nous poser et nous reposer ces questions régulièrement… Que va-t-on alors privilégier ? L’ouverture ? La couverture focale (le range) ? Selon le projet, est-ce que la stabilisation devient un impératif ? Pourquoi choisir des optiques photo versus des optiques « de cinéma » ?

Quel zoom pour quel projet ?

Depuis la grande convergence qui a vu les équipements traditionnels du cinéma, de la vidéo et de photographie se combiner pour plonger les chefs opérateurs dans le cinéma numérique, chaque nouvelle caméra, chaque nouveau capteur, chaque nouvelle optique repose les questions de l’accessoirisation, de la praticité, et in fine de notre façon de produire des images dans des contextes de production qui se transforment eux-mêmes avec les évolutions des modes de diffusion.

Malgré le fait que nos images soient de plus en plus regardées sur les écrans des ordinateurs et des smartphones, leur qualité technique et le soin que nous apportons à leur production deviennent toujours plus exigeants, tant le grand public, cinéphile ou non, s’habitue à voir en petit des superproductions pourtant destinées auparavant au grand écran. En somme, même si cela semble paradoxal de tourner en 4K et plus pour que nos films soient vus sur des écrans de 5 pouces, le public est aujourd’hui capable de percevoir la qualité technique et artistique de l’image, quel que soit le type de projet.

Ce qui au passage, et paradoxalement aussi, nous autorise plus que jamais à se jouer des attendus qualitatifs d’une image projetée sur grand écran, que l’on pourrait par exemple fabriquer avec son smartphone… Pourquoi pas, si l’histoire, le récit, la rendent pertinente?
Paradoxalement toujours, nous avons aussi compris que la taille du capteur ne correspondait pas à une définition « logique », le capteur des smartphones pouvant produire des vidéos 4K alors que le capteur S35 de l’Alexa Mini ne va pas au-delà du 3.2K…
Paradoxalement encore, nous avons fini par « dépasser » les dimensions du capteur S35, qui fut une référence commune, horizon ultime des caméras vidéo il y a de cela une quinzaine d’années, pour atteindre l’amplitude du capteur LF. Ce dernier, sous l’appellation 24×36, fut pendant longtemps le capteur le plus classique et populaire du monde de la photographie, dont les optiques sont pourtant censées être moins performantes que nos optiques de cinéma.

Être chef opérateur aujourd’hui, c’est pouvoir composer avec une incroyable variété de caméras, de formats, d’optiques, et d’esthétiques induites, jouer avec du vintage authentique ou du vintage « contemporain » par exemple ! Et bien entendu « cinémoder » ou recarrosser une optique photo pour les besoins de la cause.
C’est très vrai pour les primes mais pour les zooms cela peut être plus délicat car la construction des zooms est plus complexe. On sait notamment qu’il y a peu de chances que les zooms photo restent parfocaux à l’usage, et le recalage (uniquement en SAV) est souvent bien trop coûteux pour être rentable. On sait aussi qu’en situation de tournage on préférera un diaph constant, ce qui élimine aussi une partie des zooms photo. Ces préambules étant exposés, comment faire son choix, pour partir en tournage avec des zooms légers et compacts ?

Un document de référence

Pour aller au-delà des brochures et des vidéos des constructeurs, nous avons voulu voir  ce qu’induisait concrètement le choix d’un ou plusieurs zooms lightweight, de façon empirique et impressionniste, sans jugement sur le rendu de l’image. Après tout, nous ne sommes pas ingénieurs, mais bien chefs-opérateurs, en prise avec la réalité du matériel tout autant qu’avec notre condition physique et notre manière de voir et de faire.
Nous vous proposons donc un panorama, à date, des zooms compact et « lightweight » disponibles en location en France. Vous trouverez via CE LIEN un document de référence, qui à défaut d’être exhaustif, constitue une base de réflexion.
Nous remercions notre partenaire PhotoCineRent, qui nous a accueilli pour ce passage en revue.

Les zooms Full Frame

Si la plupart des zooms photo de l’époque argentique sont « full frame » tout comme la plupart des zooms photo contemporains qui nous intéressent, il existe encore peu de zooms ciné FF, c’est à dire des zooms carrossés pour la prise de vues cinématographique dont le cercle image couvre les capteurs FF.

À ces zooms s’ajoutent les très nombreux zooms photo couramment utilisés en production, comme les grands classiques de chez Canon: 16-35, 24-70, 24-105, 70-200 voire 28-300 et 100-400 (diaphs non constants pour ces derniers) ; comme les zooms Sony 16-35, 24-105, 70-200, ou encore les zooms Sigma 18-35, 50-100 etc.
Il est à noter que le grand intérêt de ces zooms, outre leur encombrement et leur poids très relatifs, est pour certains la stabilisation optique. La compatibilité des montures EF pour Canon et E pour Sony est évidemment un atout non négligeable lorsque l’on tourne avec une caméra de l’un de ces fabricants.

Les zooms S35

Les zooms S35 sont les plus courants à ce jour. Il faut cependant noter que les zooms les plus légers et les plus compacts sont plutôt récents.

Certains zooms photo ont été recarossés et « brandés » (commercialisés sous une autre marque) pour une pratique de la prise de vues cinématographique, souvent sur des plages focales spécifiques. Cela a pu être le cas avec des optiques Canon « Centurysées » ou « Panavisées » (150-600mm), des Pentax (250-600mm) ou des Nikkor 50-300mm « Van Diemenisés » ou des optiques Tokina « Ducloïsées » (11-16mm).

Les zooms MFT

Le MFT ou Micro 4:3 est notamment le format de capteur de la Black Magic Pocket 4K, ou des GH4 et GH5 de Panasonic. Avec un coefficient multiplicateur facile à calculer par rapport au FF (x2), l’un des intérêts du MFT est de pouvoir doubler naturellement la valeur de plan offerte par une focale FF. Il existe assez peu de zooms MFT vraiment praticables, si ce n’est les 2 zooms DZO.

Les zooms légers et compacts sur le terrain, en fiction et en documentaire

Afin de compléter ce passage en revue des zooms lightweight et compact, il nous a semblé intéressant de partager nos expériences avec plusieurs invités conviés lors d’une soirée discussion proposée par le groupe Doc et Fiction de l’association, fin avril 2021. Outre les membres de l’Union étaient ainsi présents Jean-Yves Le Poulain, représentant de la société Angénieux, Raphaël Palin Saint Agath, assistant caméra, et Antoine Parouty, directeur de la photographie.

Jean-Yves Le Poulain a notamment expliqué le principe de la gamme EZ, soit à ce jour deux zooms FF 22-60mm et 45-135mm, convertibles grâce à des lentilles arrière en zooms S35 de 15-40mm et 30-90mm. Deux zooms versatiles donc, puisqu’ils peuvent être utilisés sur des projets en FF ou en S35.

À propos de zooms Angénieux, Raphaël Palin Saint Agath a évoqué le tournage des Misérables (DP Julien Poupard), sur lequel l’utilisation de zooms légers (15-40mm, 28-76mm, 45-120mm) permettait une grande réactivité, avec une caméra à la taille ou à l’épaule.
Fut aussi évoqué le mythique zoom Angénieux 25-250 HR, qui avec ses 5 kilogrammes, est trop lourd pour être « lightweight », mais qui se trouve être relativement compact pour une plage focale aussi étendue.
À ce propos, Jean-Yves Le Poulain souligne que le compromis entre les zooms cinéma et les zooms broadcast se traduit par des effets de pompage et de ramping.
Enfin Hugo Martin, étudiant à la Cinéfabrique et membre étudiant de l’Union, évoque un film documentaire tourné dans le cadre de ses études, où il a porté son choix sur deux zooms Angénieux 30-72mm et 56-152mm avec anamorphose à l’arrière de l’optique ce qui, sans avoir les caractéristiques des anamorphoses frontales, permet cependant de travailler avec des optiques relativement légères (respectivement 2,2 kg et 2,4 kg).

Nous évoquons aussi tous ensemble les particularités des tournages Full Frame en documentaire. Dans ce contexte de tournage, le suivi de point est rendu plus difficile, mais dans les faits, les opérateurs de documentaire tournent déjà depuis pas mal d’années avec les optiques Full Frame que sont les optiques photo. Bien entendu le soin apporté à la conception optique et à l’ergonomie des optiques photo par rapport aux optiques de cinéma ne sont pas comparables, cependant les optiques photo sont très populaires de par leur prix abordable mais aussi leurs spécificités, comme la stabilisation optique et surtout la mise au point automatique. Ici se pose une ligne de partage entre les optiques qui peuvent être pointées « à la main », avec notamment l’existence de butées, et les  optiques « focus by wire », dont la bague de point tourne à l’infini. Difficile en ce cas d’effectuer des suivis fluides et réactifs, cette technologie étant à la base conçue pour que la mise au point puisse être gérée par un appareil photo. Cependant, dans certaines conditions de tournage et avec les caméras et les optiques qui le permettent, pointer au LCD peut être très efficace. 

Par ailleurs, l’utilisation en conditions documentaires de stabilisateurs de type gimbal induisent quasi obligatoirement l’utilisation de l’autofocus. Si nous avons pu à un moment ou un autre être rétifs à ce type d’approche, il faut bien se rendre à l’évidence que l’utilisation de nouveaux outils nous pousse à de nouvelles pratiques.

En documentaire toujours, nous nous posons la question de nous passer de zoom, pour ne tourner qu’avec des focales fixes. Certains membres de l’Union ont fait cette expérience, voire défendent cette approche, mais dans les faits cela s’avère plutôt exceptionnel. Les réalisateurs n’ont pas toujours la notion des longueurs focales, ce qui peut amener des incompréhensions, ou alors ils n’ont pas toujours la patience d’attendre un changement de focales. 

L’utilisation de focales fixes, voire même d’une focale unique, qui a des implications au tournage, influence généralement aussi la dynamique esthétique du montage image, il faut que les réalisateurs en aient bien conscience!

Avec le numérique et l’utilisation des grands capteurs, on peut aussi « cropper » dans l’image en post-production sans trop de perte, mais se pose alors la question de la légitimité du « recadreur ». Le directeur de la photographie n’est en effet pas toujours présent pour apporter sa contribution dans cette phase de recadrage.

Sur cette question du crop, dans la pratique, au montage, les réalisateurs ont une vision plus concrète de leur film, une fois posé dans toute sa continuité. Ainsi, Antoine Parouty évoque le film « Adolescentes » (co-photographié avec Paul Guilhaume), de Sébastien Lifshitz, tourné avec des zooms afin de couper la caméra le moins possible pour des raisons techniques durant le tournage. L’écriture dramaturgique du film a amené son réalisateur à serrer de plus en plus dans l’image au point de quasi doubler la focale !

Le panorama des zooms est disponible ici en PDF