A l’occasion de la sortie en France le 22 mai du film Foudre de Carmen Jaquier  (qui nous avait cueillis au Festival Chef Op’ en Lumière), entretien avec sa cheffe opératrice, Marine Atlan.

Foudre Carmen Jaquier

Tu as étudié à la Fémis, quel a été ton parcours avant d’y entrer ?

Dès le lycée j’étais en option Cinéma. J’ai étudié deux ans au BTS Audiovisuel Jacques Prévert de Boulogne, puis je suis allée à l’université un an, avant de passer le concours et d’entrer à la Fémis. Ce qui est très clair, c’est que je suis venue au cinéma depuis la photographie, car j’ai commencé la photographie argentique à 12 ou 13 ans. L’idée de faire du cinéma est venue pour moi de la rencontre entre la photo et la cinéphilie.

Comment as-tu rencontré Carmen Jaquier, la réalisatrice suisse de Foudre ?

D’une manière assez étonnante ! Il se trouve que je donnais des cours à la HEAD à Genève et que j’ai eu comme étudiant le frère de Carmen. Pendant mes cours, j’ai montré certains de mes travaux en tant que cheffe opératrice et aussi en tant que réalisatrice. En voyant mes films et mon travail, il a eu l’idée de parler de moi à sa soeur. Carmen a donc regardé Jessica Forever (le premier long que j’ai fait comme cheffe opératrice), et mes deux courts métrages (Daniel fait face et les Amours vertes) et elle m’a appelée.

Une première rencontre s’est organisée à la suite de cet appel. En évoquant la mise en image du film, quelque chose se scelle entre nous, autour de deux ou trois idées fortes.

Comment tu pitches le film ?

L’exercice est difficile… Je dirais que c’est l’histoire d’une jeune femme qui, en essayant d’élucider le mystère de la mort de sa soeur, se confronte à l’émancipation de son désir.

Est-ce que c’était ta compréhension du film dès la lecture ? Est-ce que c’est la façon dont Carmen te l’a présenté ?

Je me souviens en fait d’un scénario assez morcelé, fait d’intuitions et d’impressions fortes. L’écriture était très sensuelle et sensible. L’émancipation est arrivée en parlant avec Carmen, c’est ce qui m’a permis de saisir la dimension plus politique du film.

Quels étaient les références ou la direction artistique ?

Elle m’a envoyé le scénario et ses films précédents, qui m’ont donné des pistes concernant le rythme et l’esthétique. Ils contenaient une musicalité très particulière. De mon côté à la lecture du scénario, j’ai instinctivement pensé à la photographe américaine Sally Mann, qui prend en photo sa famille et ses enfants avec une esthétique un peu spectrale, presque morbide. Et c’était une référence aussi pour Carmen. Par la suite, en préparation, nous avons beaucoup échangé autour de films.

Assez vite, est venue aussi la question de comment représenter 1900.

En effet, Foudre est un film historique, mais il se filme sur l’instant. Les costumes ne sont pas patinés, par exemple. Comment avez vous abordé cette question de la modernité ?

C’est amusant, parce que je viens de finir le tournage d’un autre film d’époque (L’Engloutie de Louise Hémon) qui se passe à peu près à la même période mais pour lequel le parti pris est totalement différent. Avec Carmen, il s’agissait de ne pas sanctuariser les choses. Nous ne voulions surtout pas être dans une représentation de l’époque. Elle n’avait pas peur de l’anachronisme et voulait insuffler du présent dans ce film de 1900. Elle s’est pour autant beaucoup documentée, et nous avons fait un travail de recherche d’images d’archive. Je me suis intéressée au travail de Roberto Doneta, qui a photographié les paysans suisses dans le Valais. Nous avons aussi étudié les autochromes. En fait ce que nous cherchions surtout, c’était à comprendre ce que nous retenions de cette étude pour le film, plus que de vouloir coller aux archives. Nous ne voulions rien de figé, rien de l’ordre de la reproduction, et nous souhaitions que le film prenne en main une modernité, aille chercher des couleurs contemporaines, et existe à travers des images qui pourraient traverser d’autres temps. On a même parlé de Dv, d’une image punk, de couleurs plus pop. Ce fut une recherche longue. Par exemple, l’apparition des aberrations chromatiques dans le film renvoie à des couleurs très modernes.

Est-ce qu’au moment où est apparue l’idée de ce mélange entre l’imagerie d’archive, les autochromes et les couleurs pop, vidéos, vous avez fait des tests ?

Nous avons très vite fait des essais. Une chose à noter aussi c’est que nous avons eu plus de temps de prépa du fait qu’elle a eu lieu pendant la période du CoViD. Il y a eu d’abord des essais optiques. J’ai testé une gamme très large que j’ai montré à Carmen. J’ai aussi fait des essais avec des collants, de la vaseline, des prismes… J’ai loué le matériel caméra et la caméra RED en Suisse (Visuals Switzerland) mais les optiques chez Panavision-Alga, qui a accepté de me suivre sur le projet. J’avais donc un zoom Cooke MKII, avec l’idée dans l’écriture cinématographique du film de travailler avec de la longue focale, donc j’avais mis un doubleur sur ce zoom. Et quand j’ai montré des essais au 500 mm à Carmen, dans les forts contrastes sont apparues des aberrations chromatiques qu’elle a adorées. Pour elle, cela racontait la vibration, et c’était l’arrivée d’une couleur très contemporaines dans notre gamme chromatique.

D’ailleurs si l’on observe les autochromes des Lumières, de cette époque, c’est drôle parce qu’on peut voir que ces couleurs (ce rose et ce vert), existent aussi dans ces photos.

Cela nous a mis sur la piste de chercher de la matière et de la couleur.

Alors avec l’étalonneuse du film, Pierre Mazoyer, nous avons fait des recherches d’étalonnage. J’avais aussi fait des essais de sousexposition et surexposition. J’ai tout donné à Pierre, avec des images de références, et à distance, elle a cherché des choses sur DaVinci Resolve en poussant la matière pour chercher des sur-saturations, et en jouant aussi sur le contraste.

Sur Foudre, j’ai le souvenir d’avoir vu l’un des tout premiers plans du film, qui est l’annonce de la mort de sa soeur, sur lequel la texture est transparente. Ensuite la texture est différente. Elle n’est pas constante dans le film (et c’est notamment ce qui m’a donné envie de faire cette interview).

La texture est le résultat de beaucoup de choses. Il y a la quête de la « vibration ». Les autochromes évoquaient à Carmen des « paillettes colorées ». Il y a un rapport à l’image, à une cosmogonie quasi mystique. Il y a aussi l’idée d’une chronologie. Pour Carmen, le personnage d’Elisabeth est petit à petit reconnecté à ce rapport au monde très sensible, un rapport à la nature et aux autres, et donc à la sexualité. Il y a une évolution qui est lié à son regard et à sa découverte.

Il y a aussi une part de hasard. A l’époque c’est mon deuxième long-métrage (il sort en mai en France, mais le film est fini depuis trois ans) et c’est une exploration formelle. J’étais au début d’une recherche plastique et parfois je me suis laissée surprendre. Mais comme Carmen me laissait cette liberté-là, qu’elle a confiance en cela et n’en a absolument pas peur, cela m’ouvrait ce champ d’exploration. Enfin dernière couche sur le sujet de la texture discontinue… la réécriture du montage a fait que certaines séquences, ou certains plans, n’ont pas été montées dans l’ordre prévu. On arrive à un kaléidoscope de texture.

Est-ce que ce n’est pas un peu effrayant pour un chef op, lorsque l’on travaille une chronologie, de s’apercevoir au montage qu’elle est perturbée ?

Oui, c’est comme une nouvelle étape d’expérimentation. Notre chronologie est soumise à une autre, celle de la puissance de la narration et du nouveau sens. Mais je crois que ça inscrit une nouvelle logique.

Le principe des fragments était déjà présent dans l’écriture. Tout le début du film convoque le clair obscur, travail sur les entrées de jour, d’une manière assez classique, inspirée des grands maitres (Le Caravage…) et petit à petit la lumière s’émancipe. Elle cherche la surexposition et des structures moins classiques. Le film se libère petit à petit des couleurs chaudes (tungstène, bougie).

Il y a justement une séquence à la bougie avec une diffusion très forte.

Oui, le collant derrière l’optique est resté sur les scènes de nuit. Il avait été testé et approuvé par Carmen pour ce qu’il produisait dans la définition de la peau et elle aimait les halos. Cela venait aussi des photos et des films qu’elle aime, c’était une façon de les convoquer.

Finalement le COViD a donné des temps de prépa et de développement précieux au film (peut être que c’est à repenser : cette expérience que les films de sortie de COViD, ont été plus sereins et plus libres, du fait d’avoir eu plus de temps de préparation et de fusion entre la mise en scène et le chef opérateur).

Pour ce projet, certes tu as eu une réalisatrice avec des envies de tester, de provoquer, de convoquer, mais tu as aussi eu le temps d’essayer et lui montrer. Sans cela est-ce qu’il y a des effets que tu n’aurais pas pu lui proposer au tournage ?

Oui, cela aurait été trop risqué. L’audace vient avec l’expérience de l’outil. J’avais quand même peur d’aller trop loin parfois, mais au moins je savais dans quelle direction j’allais. Et puis effectivement le temps de dialogue avait développé la confiance entre nous. Il y a bien la première semaine qui reste une rencontre sur le plateau. Mais les échanges de films, le découpage, cette cinéphilie mise en commun ont été très importants.

Il y a une séquence dans la forêt pour laquelle les effets sont très marqués, avec une obturation changée, des couleurs très vidéo. Peux-tu nous en parler ?

Il s’agit de la partie où Elisabeth lit le journal de sa soeur. Elle découvre la voix de sa soeur. C’est le moment où l’on pousse le plus la matière. Carmen me parlait de caméra miniDv et de clips des années 90. Nous sommes allées très loin sur le plateau et plus loin encore en étalonnage. Il y a des montées de bruits, des saturations très fortes, quelque chose d’acide. Carmen me disait que ce moment ne devait rien avoir de romantique, et tout de brut. Il y a dans les mots qu’elle lit une sexualité frontale qui n’est pas filmée, mais lue. Nous avons fermé l’obturateur, et travaillé avec de très longues focales, jusqu’au 500 mm. C’était une journée de tournage exceptionnelle, où l’on devait engranger de la matière très librement, avec pour seule contrainte l’intention de la scène.

Carmen adore cette oreille sursaturée. Et moi aussi j’aime. En fait j’aime vraiment la saturation. Pour moi c’est de l’expressivité, même les moments qui sont techniquement un peu à la frontière entre l’erreur et le choix ont du sens. Quand elle tombe au sol, je regarde cette oreille et ça me transmet son émotion. Pour le coup sur Foudre, je ne suis jamais allée à des endroits où je n’avait pas envie d’aller. Tout ce qu’on a fait, on l’a fait ensemble, y compris avec Pierre en étalonnage. Il y a eu beaucoup de dialogue entre nous toutes.

J’ai travaillé avec Lilith Grasmug sur un autre film, et je me souviens d’une conversation avec elle. Lilith est une comédienne très engagée dans son jeu, qui ne se protège pas quand elle joue, et elle se souvenait de toi sur Foudre comme d’une cheffe op qui pouvait finir la prise en larmes, et que si ce qui se passait devant la caméra te touchait, tu l’exprimais. Est-ce que tu te souviens de la même chose ?

C’est vrai, ça m’arrive d’être émue en filmant. Je crois aussi que cela dépend des films (pas seulement de ce dont il parle mais aussi du plateau). Là nous étions sur un plateau avec majoritairement des femmes cheffes de postes, des femmes dont c’était les premiers longs métrages, et Carmen autorisait dans sa manière de travailler, et dans sa sensibilité, un rapport que je trouve sain, où il était possible de se laisser toucher et d’exprimer ses émotions tout en travaillant. On étaient très concentrées mais cela existait.

Il y a quelque chose de transverse entre le film et sa fabrication. Notamment, nous avons fait (ce qui ne se fait plus tellement) : une projection de rushes. En milieu de tournage, nous avons tendu le cadre 4×4 pour projeter, une nuit, sur le décor, une sélection de rushes que Carmen avait montés. Cela permet une perméabilité entre le film et l’équipe, entre ce que l’on fait et ce que l’on vit. Alors c’est plus facile de se laisser traverser que sur d’autres films.

Quand j’ai des étudiants à qui je dois parler du rapport au cadre, je leur dis que la meilleure manière de bien cadrer c’est d’être avec les comédiens, et d’être concentrée et pleinement dans ce qu’on est en train de filmer. Je me considère comme une spectatrice sur le plateau.

(Cela me donne l’envie de partager une interview que j’avais faite à Camérimage avec Sturla Brandth Grovlen, qui lui réclame même un rapport d’acteur lorsqu’il cadre).

Par ailleurs étant aussi, une femme cheffe op je me suis parfois interrogée sur ma tendance à essayer d’incarner le chef opérateur. En fait, dire que le chef op est un spectateur comme un autre, et que plus il est immergé dans ce qu’il fait, plus il transmet d’émotions, cela n’avait pas été tellement exprimé jusqu’ici.

Effectivement, ne pas performer son rôle est capital. Nous sommes là pour regarder. Après ce sont des conversations longues, mais oui il y a l’idée de s’émanciper de la technique pour regarder pleinement ce à quoi on est en train de participer. Je trouve passionnant d’explorer un visage pendant huit semaines.

Par contre ce que je trouve difficile, … c’est qu’il y a un écran précis que j’aime et que je trouve fidèle (le SmallHD 303) et je n’arrive pas à avoir cette image dans mon viseur ! Ce qui m’oblige à cadrer avec cet écran lorsque je privilégie mon travail de la lumière. J’aimerais avoir un très bon oeilleton.

Concernant la scène des orties, que peux-tu nous dire ?

Alors c’était un dispositif un peu particulier : les comédiens choisissaient l’expérience qu’ils voulaient avoir, avec soit des orties préparées pour ne plus piquer, soit des orties urticantes. C’était un découpage en top-shot et une performance assez ritualisée d’une dizaine de minutes pour chacun. Ils atteignaient un état assez proche de la transe. Pour cette scène on cherchait une carnation très réaliste. Nous voulions voir les aspérités et les couleurs de la peau avec le plus de détail possible.

C’était une expérience assez forte, mais en un temps donné, dans un cadre maitrisé. Carmen était très attentive au besoins de chacun et chacune.

Finalement, dans le film cette séquence est fabuleuse, extrêmement sensuelle et originale, et elle participe aussi à la modernité et l’originalité du film : un film sur l’éveil sexuel et l’émancipation, où l’on ne voit jamais un sein.

Oui, Carmen parlait aussi de sexualité sans pénétration, d’une sexualité qui serait ailleurs. Outre la collaboration avec les comédiennes et comédiens, il y avait aussi un chorégraphe présent, quelqu’un avec qui communiquer sur le corps (on ne parlait pas encore de coordinateur d’intimité à l’époque). Il y a plein de façons de faire. Le film est extrêmement érotique.

Le film amène aussi la sexualité du côté de la spiritualité, plutôt que du côté de la violence.

Ce qui est le geste premier de cinéaste de Carmen.

Une dernière question, tu es également réalisatrice et tu mènes les deux carrières en parallèle. Tes deux courts métrages ont été beaucoup vus et primés. Et tu as eu l’avance CNC pour ton premier long. Comment se passe, pour une cheffe opératrice, ce changement de casquettes ?

C’est un processus en cours depuis déjà longtemps. J’ai fait mes films en parallèle de mon métier de cheffe opératrice. Les cinéastes qui m’appellent le savent, et souvent, ont vu mes films. Pour ce premier long métrage comme réalisatrice, avec l’expérience de mes sept longs métrages en tant que cheffe op, je prends la mesure du travail sur un long métrage pour un réalisateur ou une réalisatrice. Jusqu’ici je faisais l’image de mes courts métrages, avec Benoît Bouthors, qui est lui aussi réalisateur, et qui est chef électro aussi (notamment de Claire Mathon sur Saint-Omer). Et là, j’ai décidé d’être accompagnée par Pierre (avec qui je collabore depuis un moment en post-production) et de co-signer l’image avec elle. Je sais que j’aurai parfois besoin de cadrer, mais j’aurai aussi une quinzaine de comédiens à diriger (le film raconte l’histoire d’un groupe scolaire en excursion à Pompei). Après l’étalonnage d’Alexis (Langlois, Les Reines du drames), je pars en prépa. C’est une aventure de préparer un premier long !


English version

Transcendent Textures: Marine Atlan’s Unique Approach to « Foudre »

On the occasion of the release in France on May 22 of « Foudre » by Carmen Jaquier (which captivated us at the Chef Op’ en Lumière Festival), we sit down with its cinematographer, Marine Atlan.

Foudre Carmen Jaquier

You studied at La Fémis. What was your journey before enrolling there?

I was already in the Cinema track in high school. I studied for two years at the BTS Audiovisuel Jacques Prévert in Boulogne, then attended university for a year before taking the entrance exam for La Fémis. What stands out is that I came to filmmaking through photography, as I started shooting on film when I was 12 or 13 years old. The idea of making movies emerged for me from the blend of photography and a love for cinema.

How did you meet Carmen Jaquier, the Swiss director of Foudre?

In quite an unexpected way! I was teaching at HEAD in Geneva, and one of my students happened to be Carmen’s brother. During my classes, I showed some of my work as a cinematographer and also as a director. After seeing my films and my work, he thought of mentioning me to his sister. Carmen then watched Jessica Forever (the first feature I shot as a cinematographer), and my two short films (Daniel fait face and Les Amours vertes), and she reached out to me.

We arranged a first meeting after that call. When we discussed the visual style of the film, something clicked between us around two or three strong ideas.

How would you pitch the film?

It’s a tough one… I’d say it’s the story of a young woman who, while trying to solve the mystery of her sister’s death, faces the awakening of her own desires.

Did you understand the film in this way from the first read? Is this how Carmen presented it to you?

I actually remember the script being quite fragmented, filled with strong intuitions and impressions. The writing was very sensual and sensitive. The theme of emancipation emerged through conversations with Carmen, which helped me grasp the film’s more political dimension.

What were the references or the artistic direction?

She sent me the script and her previous films, which gave me some insight into the rhythm and aesthetics. They had a very unique musicality. When I read the script, I instinctively thought of the American photographer Sally Mann, who captures her family and children with a somewhat spectral, almost morbid, aesthetic. This was also a reference for Carmen. Later, during prep, we exchanged a lot about films.

Soon enough, the question of how to represent 1900 came up.

Indeed, Foudre is a historical film, but it is shot in the moment. The costumes, for instance, are not weathered. How did you approach the question of modernity?

It’s funny because I just finished shooting another period film (L’Engloutie by Louise Hémon) set around the same time, but with a completely different approach. With Carmen, it was about not sanctifying things. We definitely did not want to be stuck in a period representation. She wasn’t afraid of anachronism and wanted to inject the present into this film set in 1900. Even so, she did a lot of research, and we did extensive archival image research. I became interested in the work of Roberto Donetta, who photographed Swiss peasants in the Valais. We also studied autochromes. Essentially, what we were looking for was to understand what we could take from this study for the film, rather than trying to stick to the archives. We wanted nothing rigid, nothing in the realm of reproduction, and we wanted the film to embrace modernity, seek contemporary colors, and exist through images that could transcend time. We even talked about DV, a punk image, more pop colors. It was a long process. For example, the appearance of chromatic aberrations in the film references very modern colors.

When the idea of mixing archival imagery, autochromes, and pop colors and videos came up, did you conduct tests?

We quickly started doing tests. One thing to note is that we had more prep time because it took place during the COVID period. We began with optical tests. I tested a wide range of options and showed them to Carmen. I also experimented with stockings, Vaseline, prisms… I rented the camera gear and the RED camera in Switzerland (Visuals Switzerland), but the lenses from Panavision-Alga, who agreed to support the project. I used a Cooke MKII zoom, planning to work with long focal lengths in the film’s cinematography, so I added a doubler to this zoom. When I showed Carmen tests at 500 mm, strong contrasts revealed chromatic aberrations that she loved. For her, this captured the vibration and introduced very contemporary colors into our chromatic palette.

Interestingly, if you look at the Lumière brothers’ autochromes from that period, you can see those colors (pink and green) also exist in those photos.

This led us to explore material and color further.

So with the film’s colorist, Pierre Mazoyer, we conducted grading research. I also did tests with underexposure and overexposure. I gave everything to Pierre, along with reference images, and remotely, she explored things on DaVinci Resolve, pushing the material to find over-saturations, and also playing with contrast.

In Foudre, I recall one of the very first shots of the film, which announces the death of her sister, where the texture is transparent. The texture changes afterward. It’s not constant throughout the film (which is one reason I wanted to do this interview).

The texture results from many things. There is the quest for « vibration. » The autochromes evoked « colorful glitter » to Carmen. There’s a relationship to the image, almost a mystical cosmology. There’s also the idea of chronology. For Carmen, the character Elisabeth gradually reconnects with this sensitive relationship to the world, to nature, to others, and therefore to sexuality. There is an evolution linked to her perspective and discovery.

There’s also an element of chance. At that time, this was my second feature (it’s releasing in May in France, but the film has been finished for three years) and it was a formal exploration. I was at the beginning of an artistic exploration and sometimes let myself be surprised. But since Carmen gave me that freedom, trusted it, and wasn’t afraid of it, it opened up this field of exploration. Finally, one last layer on the subject of discontinuous texture… the re-editing of the film meant that some sequences, or certain shots, were not edited in the intended order. It resulted in a kaleidoscope of textures.

Isn’t it a bit daunting for a cinematographer, when working with a chronology, to realize in editing that it’s disrupted?

Yes, it’s like a new phase of experimentation. Our chronology is subjected to another one, the power of narration and new meaning. But I believe it establishes a new logic.

The principle of fragments was already present in the writing. The beginning of the film uses chiaroscuro, working with daylight entry in a fairly classical manner, inspired by the great masters (Caravaggio…), and gradually the light emancipates. It seeks overexposure and less classical structures. The film gradually frees itself from warm colors (tungsten, candlelight).

There’s a scene lit by candlelight with a very strong diffusion.

Yes, the stocking behind the lens stayed on for the night scenes. It had been tested and approved by Carmen for what it did to the definition of the skin, and she loved the halos it created. This also came from the photos and films she loves; it was a way to evoke them.

Ultimately, COVID provided valuable prep and development time for the film. (Perhaps it’s worth reconsidering: the experience that post-COVID films have been more serene and free because they had more preparation time and a stronger fusion between directing and cinematography). For this project, you had a director who wanted to test, provoke, and invoke, but you also had the time to try things and show her. Without this, are there effects you wouldn’t have been able to propose during filming?

Yes, it would have been too risky. Boldness comes with experience using the tools. I was still afraid of going too far sometimes, but at least I knew the direction I was heading. And indeed, the dialogue time built trust between us. There’s always the first week, which remains a meeting on set. But the film exchanges, the storyboarding, this shared cinephilia were very important.

There’s a forest sequence where the effects are very pronounced, with changed shutter speed and very video-like colors. Can you tell us about it?

It’s the part where Elisabeth reads her sister’s journal. She discovers her sister’s voice. This is where we pushed the material the most. Carmen talked to me about miniDV cameras and 90s music videos. We went very far on set and even further in grading. There are noise increases, very strong saturations, something acidic. Carmen told me this moment should be raw, not romantic at all. The words she reads express a direct sexuality that is not filmed but read. We closed the shutter and worked with very long focal lengths, up to 500 mm. It was one of those rare days on set where the goal was to capture material very freely, with the scene’s intention as the only constraint.

Carmen loves this oversaturated ear. And I love it too. I really enjoy saturation. For me, it’s expressive; even moments that are technically on the edge between error and choice have meaning. When she falls to the ground, I see this ear and it conveys her emotion. For Foudre, I never went to places I didn’t want to go. Everything we did, we did together, including with Pierre in grading. There was a lot of dialogue between all of us.

I worked with Lilith Grasmug on another film, and I remember a conversation with her. Lilith is an actress very committed to her performance, who doesn’t hold back when she acts, and she remembered you on Foudre as a cinematographer who could end a take in tears, and if what was happening in front of the camera moved you, you expressed it. Do you remember the same?

It’s true, I do get emotional while filming. I think it also depends on the films (not just their subject matter but also the set). We were on a set with mostly women in key roles, women for whom this was their first feature film, and Carmen allowed, through her working method and sensitivity, a relationship I find healthy, where it was possible to be moved and express emotions while working. We were very focused, but this emotional openness was there.

There’s something transversely connecting the film and its creation. Notably, we did something that’s rare nowadays: a dailies screening. Midway through filming, we set up a 4×4 frame to project, one night, on the set, a selection of dailies that Carmen had edited. This created a permeability between the film and the crew, between what we were making and what we were experiencing. It made it easier to be emotionally open than on other films.

When I talk to students about framing, I tell them the best way to frame well is to be with the actors, to be focused and fully immersed in what you’re filming. I see myself as a spectator on set.

(This makes me want to share an interview I did at Camerimage with Sturla Brandth Grovlen, who even asks for an actor’s input when framing).

Additionally, as a female cinematographer, I’ve sometimes wondered about my tendency to try to embody the role of the cinematographer. Saying that the cinematographer is just another spectator, and that the more immersed they are in what they’re doing, the more they convey emotions, hadn’t been expressed much until now.

Indeed, not performing your role is crucial. We are there to observe. These are long conversations, but yes, there is the idea of freeing oneself from the technical aspects to fully see what you’re participating in. I find it fascinating to explore a face for eight weeks.

What I find difficult, though, is that there’s a specific monitor I love and find reliable (the SmallHD 303) and I can’t get that image in my viewfinder! This forces me to frame using this monitor when I focus on lighting. I’d love to have a very good eyepiece.

Can you tell us about the nettles scene?

It was a somewhat unique setup: the actors chose the experience they wanted to have, either with prepared nettles that no longer stung or with stinging nettles. It was a top-shot setup and a ritualized performance of about ten minutes for each actor. They reached a state quite close to trance. For this scene, we aimed for a very realistic skin tone. We wanted to see the textures and colors of the skin in as much detail as possible.

It was quite an intense experience, but within a controlled environment and timeframe. Carmen was very attentive to everyone’s needs.

Ultimately, in the film, this sequence is fabulous, extremely sensual and original, and it contributes to the film’s modernity and uniqueness: a film about sexual awakening and emancipation, where you never see a bare breast.

Yes, Carmen also spoke about sexuality without penetration, a sexuality that exists elsewhere. Besides the collaboration with the actors, there was also a choreographer present, someone to communicate with about the body (we didn’t talk about intimacy coordinators back then). There are many ways to approach it. The film is extremely erotic.

The film also brings sexuality closer to spirituality rather than violence.

This is Carmen’s primary cinematic gesture.

One last question: you are also a director and pursue both careers simultaneously. Your two short films have been widely viewed and awarded. You received CNC funding for your first feature. How is this transition for a cinematographer?

This process has been ongoing for a long time. I’ve made my films alongside my work as a cinematographer. Filmmakers who reach out to me are aware of this and often have seen my films. For this first feature as a director, with the experience of my seven feature films as a cinematographer, I appreciate the workload involved in directing a feature. Until now, I’ve handled the cinematography for my short films with Benoît Bouthors, who is also a director and a gaffer (notably for Claire Mathon on Saint-Omer). This time, I decided to collaborate with Pierre (with whom I’ve been working for a while in post-production) and co-sign the cinematography with her. I know I’ll sometimes need to operate the camera, but I’ll also have about fifteen actors to direct (the film is about a school group on an excursion to Pompeii). After grading Alexis (Langlois’s Les Reines du drame), I’m heading into pre-production.

Preparing for a first feature is quite an adventure!