À travers une collection de portraits questions/réponses, l’Union présente les membres de l’association. Aujourd’hui, Gaëtan Borne.

Quand et comment t’es-tu intéressé à la prise de vues ?

Je me rappelle que dès l’âge de 12-13 ans, je faisais des mini films avec un appareil photo compact. Je me suis ensuite intéressé à la photographie, que je pratique toujours, et c’est durant ma période lycéenne que j’ai réellement commencé à fabriquer des films en réfléchissant à différents moyens de valoriser l’image que je filmais, notamment grâce à la construction d’un travelling, l’utilisation des fameux trios de mandarines et le réflecteur en papier alu! Cette époque est bien lointaine…

Quels films t’ont particulièrement marqué visuellement, au point de t’intéresser spécifiquement au travail de l’image ?

J’ai trois films en tête, je ne sais pas si ce sont eux qui m’ont marqué au point de m’intéresser à l’image, mais une chose est sûre: ce sont ces trois films qui m’ont permis de m’intéresser à la cinématographie:  « Les Moissons du Ciel » de Terrence Malick, « N’oublie Jamais » de Nick Cassavetes, « The Truman Show » de Peter Weir.
Étant maintenant dans le métier de l’image, je suis évidemment plus sensible à la photo des films ou des séries,  j’ai notamment en tête une série Netflix regardée dernièrement : « Travelers » dont j’ai vraiment adoré l’image.

Sur le tournage de « La Casa del Makrel » réalisé par Yannick Maillard (prod Yarma Videos – Zandollywood – Canal+ Caraibes)

Quelle a été ta formation initiale ?

Je retirerais « initiale » à cette question. J’ai eu une formation dite de « terrain » au département électrique durant 3 ans sur des tournages en Caraïbe francophone, où j’ai d’ailleurs pu travailler sous la direction de Gilles Porte sur le film « Port-Au-Prince, Dimanche 4 janvier ». Puis j’ai décidé de faire un BTS audiovisuel option montage, dont je suis sorti avec un Bachelor en cinéma et audiovisuel option technique à l’Eicar Paris. À la fin de mes études à l’Eicar, j’ai alterné l’assistanat et la direction photo, et j’ai pu ainsi travailler sous les ordres de plusieurs chefs opérateurs tels que Pierre Cottereau, Nicolas Gaurin, Tom Hines, Rory Taylor, Stefan Ivanof…

Quand et dans quel contexte as-tu commencé à travailler en tant que chef opérateur ?

J’étais censé être premier assistant caméra sur un court métrage du réalisateur Bruno François Boucher mais une semaine avant le tournage, le chef opérateur que j’accompagnais a eu un souci et il m’a recommandé auprès du réalisateur et de la production. C’est ainsi que j’ai pu signer l’image de mon premier court-métrage produit : « Douche Écossaise ». À la suite de ce projet, j’ai continué à alterner les tournages en tant qu’assistant caméra et chef opérateur. Maintenant je fais de moins en moins d’assistanat pour laisser place à mon travail de chef op.

Sur quels types de films as-tu travaillé et quel serait le meilleur prochain projet ?

J’ai travaillé sur beaucoup de projets très variés : fictions, pubs, corporate, émissions télé ou encore brand content pour les réseaux sociaux. En ce moment je suis en post-production de la saison 2 et 3 de la web série « La casa del Makrel » produite par Canal+ Caraïbes, Yarma production et Zandollywood en Guadeloupe.

Je n’ai pour l’instant pas de futur prochain projet dans les tuyaux, cependant je dirais que mon projet idéal serait de tourner un film de genre poétique ou une comédie romantique, remplie de douceur, dans des décors proches de l’eau avec mon équipe de rêve : toutes les conditions pour faire un beau film.

“ L’oiseau de nuit ” d’Aurélie Lamarchère

Quelles sont tes sources d’inspiration artistiques ?

Mes sources d’inspiration artistiques sont très vastes et n’ont parfois aucun lien direct avec le cinéma. Je suis abonné à des comptes de directeurs photo, artistes et photographes sur Instagram. Je fais également de la photo et, voyageant beaucoup, je nourris mon univers visuel avec une sorte de banque d’images personnelles, à la manière de Shotdeck. La différence est que mes images ne sont pas des images de films. Ces images me permettent le moment venu de proposer aux réalisateurs des intentions nouvelles, afin de magnifier leurs projets.
Bien évidement je m’inspire également de productions cinématographiques.

Te souviens-tu de gaffes regrettables, mais instructives au final ?

Pour moi il n’y a pas de grosses ou de petites gaffes, regrettables ou pas regrettables, l’essentiel c’est de savoir où l’on a merdé et comprendre comment ne pas se retrouver dans le même cas. Je le répète souvent à mes équipes, on reste humain donc on a droit à l’erreur, je n’ai pas souvenir de gaffes au poste de chef opérateur, peut-être en tant qu’assistant caméra (!). J’ai toujours eu la chance d’être bien entouré ce qui m’a permis d’apprendre de mes erreurs et de ne pas les reproduire. Ce discours je l’ai avec mes assistants, maintenant.

“ Samuel Perdu ” réalisé par Kaba Olory

As-tu connu des moments de doute sur ton travail ou ton milieu professionnel ?

Oui, régulièrement…  Je bouge beaucoup, tantôt en Europe (France, Belgique, Espagne) tantôt dans la Caraïbe (Guadeloupe, Martinique). Je pense qu’il est difficile de se forger un réseau solide en changeant régulièrement de lieu de résidence principale. Du coup, le téléphone sonne une fois que tu n’es pas disponible! Il peut sonner une deuxième fois mais pas une troisième…
Mais c’est un mode de vie que j’ai décidé de mener car je viens des Antilles et j’aime beaucoup y vivre et y tourner. Malheureusement, 75% de mon activité de chef opérateur se fait en France hexagonale, alors oui, j’ai des doutes sur mon travail car quand on ne m’appelle pas, cela crée un petit stress et je me pose de nombreuses questions telles que : « Vais-je trouver un film ? Est-ce que mon travail plaît ? ».

“ Albane et Leo – Don’t know how to be your friend ” de Kaba Olory  – production : Hokum Factory

As-tu souvenir de la mise en place d’un dispositif de prise de vues particulièrement original ?

Je ne sais pas ! Mais j’ai un souvenir qui n’est pas si lointain : c’était le clip d’Albane et Léo, tourné en studio. En préparation du projet, le réalisateur m’a informé qu’il avait envie de tourner avec le dernier drone Inspire 2 plus la caméra Zenmuse X7, et je lui ai dit :  « Pourquoi pas ! », pensant que le drone ne serait utilisé que pour des plans aériens. Sauf qu’il m’a informé que non, il veut tourner uniquement au drone, sur pied, sur roller, en vol et pour vendre son idée il m’a montré le film promotionnel de Dji (fabricant des drones les plus répandus).

Adepte de nouveaux défis, j’ai accepté et je me suis fait accompagner par Brice Tholozan de Full Motion. On a préparé le projet, il m’a expliqué comment fonctionne cette caméra et notamment la possibilité de changer d’optique – j’avais il me semble une série de 4 optiques. Il faut savoir que l’équipe implique un pilote de drone, un cadreur et un pointeur. Avec ce système, on parle donc d’une équipe de trois personnes. Et franchement, j’ai vraiment aimé faire ce projet, c’était un nouveau dispositif pour moi et je suis très content du résultat.

“ L’oiseau de nuit ” d’Aurélie Lamarchère

As-tu déjà souhaité passer à la réalisation ?

J’ai commencé par la réalisation mais finalement j’ai été séduit par la direction photo. Il m’arrive encore de réaliser quelques petits projets solos, pour le kif ou simplement le plaisir de faire des belles images. En ce moment je suis en pleine écriture d’un court-métrage avec un ami réalisateur, mais je réalise de moins en moins et je ne souhaite pas y revenir.

Qu’est-ce que tu aimes et qu’est-ce que tu n’aimes pas dans ton métier ?

Étant amateur de voyages et me considérant comme un nomade assumé, ce que j’aime le plus dans ce métier ce sont les voyages, les nouvelles rencontres, les différentes cultures… Par exemple l’année dernière j’ai passé une semaine à Malaga en Espagne sur un clip pour Sony Music, je suis rentré à Paris et 3 jours plus tard je partais en Belgique sur un court-métrage. À chaque destination, je rencontre une population différente avec une culture différente avec qui j’ai de nombreux échanges. D’ailleurs à l’heure où j’écris ces quelques lignes je suis en Guadeloupe face à la mer, je viens de terminer une web série pour Canal+ Caraïbes. Ce que j’aime aussi, c’est que notre métier nous permet de relever constamment de nouveaux défis d’ordres technologiques ou même budgétaires, et c’est très stimulant pour moi.

Ce que je déteste le plus dans ce métier, et je pense que c’est le cas de 85% de mes confrères, c’est l’attente du prochain projet, l’attente du coup de fil qui t’apportera une proposition de tournage … Je ne suis pas quelqu’un de patient donc c’est très difficile pour moi, mais depuis quelque temps j’arrive à gérer cette attente avec la navigation maritime. C’est apaisant, cela me permet de me recentrer sur l’essence de la vie et de ma profession, et je nourris mon regard esthétique grâce aux lumières différentes des lieux où je navigue (Europe ou Caraïbes).

Sur le tournage de « La Casa del Makrel » réalisé par Yannick Maillard (prod Yarma Videos – Zandollywood – Canal+ Caraibes)

Quel conseil donnerais-tu à un aspirant chef opérateur ?

C’est parfois très dur, l’attente est parfois très longue, mais il ne faut pas lâcher. Et pour ceux qui ont la chance d’avoir du matériel et de tourner durant leurs études, qu’ils le fassent, afin de se constituer une bande démo de qualité à la sortie de leur école. Je précise que cela ne veut pas dire qu’avec une bande démo de qualité on aura un job de chef opérateur direct à la sortie de l’école, mais cela peut toujours aider. « Keep calm and carry on »

Gaëtan Borne sur le site de l’Union des chefs-opérateurs

> Image de couverture : “ A journey in Deshaies ” de Gaëtan Borne