À propos du film « Ourse », de Nicolas Birkenstock, sélectionné en compétition nationale au Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand 2021.

Ourse était jusqu’ici une adolescente sans histoires, mais depuis quelques temps elle est somnambule et erre dehors la nuit. Sa mère tente de la guérir de ce mal. Mais Ourse ne veut pas guérir, bien décidée à comprendre où son sommeil la porte.

 Pré-tournage astronomique

Nous avons tourné  les 1ers plans d’ « Ourse » plus d’un an avant le tournage principal. Le scénario n’était pas encore définitif mais l’une des séquences se passait pendant une éclipse de Lune. Or dans la nuit du 21 janvier 2019 une éclipse totale de Lune était visible au dessus de Paris. C’était un pari, mais j’étais convaincue que si nous n’avions pas ces plans, la séquence disparaîtrait faute d’argent pour acheter des stock shots.

Il a donc fallu trouver un endroit, bien orienté, suffisamment haut pour ne pas être gênés par les immeubles, (l’élévation allait être assez basse), se faire prêter pour la nuit la caméra du documentaire que je tournais cette semaine-là et louer une longue focale qui ouvre suffisamment. Le réalisateur et moi avons passé des heures très froides et un peu magiques sur la terrasse de l’Observatoire de Paris, et au final, la scène d’éclipse ouvre le film.

Eclipse totale de Lune

« Found footage »

Pour savoir où elle va pendant la nuit, le meilleur ami d’Ourse lui prête une GoPro, qu’elle fixe à un casque de vélo et enclenche avant de s’endormir. Au matin, elle peut relire les images de ses déambulations. Je savais que pour des extérieurs nuit peu éclairés, la GoPro de jeu ne serait sans doute pas la caméra adéquate. Quelques semaines avant le tournage nous avons donc testé plusieurs caméras, la GoPro Hero8, une Osmo 2, une Sony DV en mode night shot, et un Alpha 7S II.

Suite à l’étalonnage de ces essais, nous avons décidé que notre caméra somnambule serait l’Alpha 7sII: son extrême sensibilité était un atout certain, mais nous trouvions son image bien trop lisse. Nous l’avons « sali » en ajoutant a posteriori les défauts des autres caméras qui nous plaisaient : les déformations optiques de la GoPro et le grain de la DV entre autres. Notre caméra somnambule aurait sa magie mais notre caméra principale ne devait pas être en reste.

Armande Boulanger et la GoPro de jeu

Comparatif caméras somnambulisme

« Teen movie »

« Ourse » est un film qui oscille entre réalité et fantastique. Les protagonistes ont cet âge où l’on aime encore croire au surnaturel, par bien des aspects plus accueillant que l’âge adulte.

Nous nous sommes échangé des références très diverses allant de photos de Tarkovski à « The Blair Witch Project» de Myrick et Sanchez ou « The Others » d’Amenabar.
Nous souhaitions que dans le film, la frontière soit poreuse, que l’on sente que « la réalité » peut basculer.

Nous ne voulions pas d’un ratio 2.35 qui aurait semblé forcé pour les images de la GoPro et pas non plus de bandes noires verticales de part et d’autre quand ces images seraient diffusées plein cadre, le film serait donc au format 1.85.

Cependant, je pressentais que Nicolas aimerait l’anamorphique. Par son procédé optique qui diffère de nos yeux bien plus que les focales sphériques, il permet de « déréaliser l’image » aussi bien dans les séquences dites fantastiques que celles de la réalité quotidienne. Également par ce qu’il amène d’auto-référencé, c’est à dire la façon dont les images tournées en anamorphique nous renvoient plus au cinéma,  et donc à nos mythes, qu’à la réalité.

Au moment de notre tournage, en février 2020, Panavision pouvait nous sortir la série Primo Prime (AL). Elle ne se caractérise ni par sa légèreté ni par sa compacité mais nous avons été conquis par son rendu, comme si le cinéma de notre adolescence s’invitait dans ce film sur deux adolescents. Mieux que la magie : Hollywood !

Pour compléter le pack, une Alexa Mini venait compenser l’encombrement et le poids des optiques.

Il ne nous restait plus qu’à croiser les doigts pour que notre nuit dans la forêt Normande ne soit pas trop venteuse afin que la fumée reste en place.

Arri Alexa Mini et Primo Anamorphic Prime 50 mm

Déambulation nocturne – Alpha 7SII

Apparition

Réveil

Équipe
1e assistante opératrice : Eléa de Celles – Chef électricien : Bertrand Artaut – Cheffe machiniste : Laura Marret – Opérateur Steadicam : Florian Berthellot – Etalonneur : Vincent Amor – VFX : Sylvain Coisne

Technique
Matériel caméra : Panavision Alga (Arri Alexa Mini, série Primo Prime anamorphique, Sony Alpha 7S II, ratio 1,85:1)
Postproduction : Micro Climat Studios

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Pour voir le film, il est possible d’assister à une séance en ligne sur le site du festival de Clermont-Ferrand, en compétition nationale F11.

Cet article a été initialement publié sur le site de l’AFC