Les séquences de nuit constituent souvent un ensemble de défis pour le chef opérateur, techniques bien entendus mais aussi artistiques, et sont l’objet d’enjeux narratifs mais aussi plus prosaïques liés aux goûts des réalisateurs et des diffuseurs.

Plusieurs directeurs de la photographie ont eu l’occasion d’aborder la question de comment filmer la nuit lors de cette édition 2021 de Camerimage. Retour sur le séminaire que Philippe Rousselot AFC, ASC y a spécialement consacré, complété par les réflexions de Xavier Dolléans AFC, Union des Chefs Opérateurs durant son intervention à propos de la série « Germinal », ainsi que quelques réflexions personnelles sur le sujet.

L’importance des conventions

Le cinéma s’appuie en partie sur des conventions liées à notre culture et aux représentations mentales collectives. Par ailleurs, ces représentations évoluant au fil du temps, le spectateur ne perçoit pas de la même façon des images et leur enchaînement selon l’époque et l’environnement culturel dans lesquels il évolue. Notre compréhension d’un film (et des images en général) dépend également de notre culture visuelle personnelle, à partir de laquelle se forgent aussi nos goûts, ainsi que des évolutions techniques et des possibilités nouvelles qu’elles apportent. Le traitement de la nuit est lui aussi influencé par ces enjeux.

Rousselot commence par un retour historique aux origines du cinéma. Dans les premiers films, en noir et blanc, la nuit n’était pas du tout traitée de façon réaliste. Il faut dire que les pellicules de l’époque étaient très peu sensibles, il fallait souvent rééclairer même en jour ; difficile d’avoir des nuances dans les zones sombres. Pourtant, cela n’empêchait pas les spectateurs de comprendre clairement si une séquence se passait de jour ou de nuit, quand bien même les images apparaissaient souvent plus claires que dans la réalité. Certes, parfois les scènes nocturnes étaient virées, notamment au bleu, pour les distinguer de celles de jour, mais d’une part ce n’était pas si souvent le cas et d’autre part le virage était souvent davantage un choix expressif. L’indication venait plus des actions des personnages – par exemple allumer la lumière, ou de l’insertion d’un plan de lune.

« Une Terrible Nuit » de Georges Méliès – La lumière ne diminue pas lorsque l’homme souffle la bougie

Si la culture visuelle des spectateurs aujourd’hui fait qu’on se tourne vers des effets plus naturalistes, encore aujourd’hui il ne faut pourtant pas négliger la dimension conventionnelle que porte toute représentation.

« Day for night », ou comment faire de la nuit avec du jour

Un exemple parlant qui illustre cette importance des conventions et de leur évolution est la « nuit américaine », largement utilisée par le passé du fait notamment du manque de sensibilité des pellicules, et encore aujourd’hui lorsqu’il est difficile, voire impossible, d’éclairer correctement de nuit (décor trop large ou inaccessible). Rousselot en profite d’ailleurs pour souligner qu’au scénario on ne se pose pas souvent la question de la possibilité ni de la pénibilité du tournage de certaines séquences, par exemple une scène de nuit à cheval sous la pluie !

En nuit américaine, on pose dense en cherchant généralement à placer la caméra à contre-jour afin de silhouetter les personnages pour qu’ils se détachent des fonds et restent ainsi visibles. temps ensoleillé ou nuageux, le choix reste une question de goût et d’adéquation au scénario. Bien que sous-exposés, l’image en général et les visages en particulier restent beaucoup plus lisibles qu’ils ne le seraient dans la réalité. Une teinte bleue plus ou moins prononcée est également souvent employée pour évoquer la lumière lunaire.

Rousselot évoque ainsi la séquence de « Et au milieu coule une rivière » où les deux frères naviguent sur la rivière de nuit. Le parcours s’étendant sur une longue distance, et de toute façon la situation même d’un bateau voguant sur l’eau rendant très coûteuse et complexe – pour ne pas dire impossible – une installation lumière pour un tournage nocturne, il est vite apparu évident qu’il fallait recourir au « day for night ». Rousselot trouve, d’autant plus aujourd’hui, que cet effet ne fonctionne pas ; pourtant les spectateurs ne remarquent pas ce manque de réalisme, car ils sont avant tout pris dans la narration.

« Et au milieu coule une rivière » de Robert Redford – Séquence de nuit sur le lac tournée en nuit américaine

La question du réalisme

Cette luminosité/lisibilité supérieure à la normale est aussi liée à notre désir de spectateur de voir l’action et les expressions des comédiens, désir qui participe aussi à notre tolérance envers le manque de réalisme. Globalement, dans un film, on accepte beaucoup plus de choses que dans le réel, en termes d’image mais aussi bien sûr de narration. C’est aussi un des plaisirs du cinéma que de nous transporter dans un monde différent, où on peut rêver, par exemple, en croyant à la possibilité de coïncidences improbables… Je crois que l’on touche ici à la dimension magique du cinéma : le spectateur accepte de se laisser emmener dans un univers qui n’est pas tout à fait régi par les mêmes règles que la réalité ; l’envie de magie rend la magie possible.

L’idée de conventions implique que l’on n’est pas dans une représentation totalement réaliste. À noter que la nuit américaine peut d’ailleurs parfois être utilisée justement pour déréaliser des séquences de nuit. La nuit, et l’image cinématographique, pour ne pas dire le cinéma, ne sont de toute façon jamais purement réalistes, il s’agit nécessairement d’une interprétation du réel. Même le réalisme est une construction.

Jouer avec les conventions en s’en éloignant permet d’être créatif, de justement raconter autre chose qu’une simple transcription de la réalité. Alors que la nuit est souvent figurée par une coloration bleutée de la lumière, choisir comme Darius Khondji AFC,ASC dans « Delicatessen » ou Jordan Cronenweth ASC dans « Blade Runner » de créer des ambiances extérieures nocturnes orangées voire cuivrées leur donne un sens plus riche que simplement informer que « c’est la nuit  » : une nuit polluée pour le Los Angeles du film de Ridley Scott, une nuit étrange et hors du temps pour le village dans celui de Jean-Pierre Jeunet. S’éloigner des conventions entraîne le récit vers un monde détaché de la réalité : un lieu loin des villes, un futur lointain, voire un espace-temps non défini et incertain, hors du monde et hors du temps. Difficile d’ailleurs de déterminer si certaines séquences de ces deux films se passent de nuit ou de jour finalement, ce qui participe à la sensation d’étrangeté.

Les nuits chaudes de « Delicatessen » de Jean-Pierre Jeunet

Les apports des progrès technologiques : vers plus de réalisme ?

Les progrès techniques et technologiques ont offert de nouvelles possibilités de tournage. L’étalonnage numérique permet des ajustements plus précis, par exemple pour travailler les ciels qui restent souvent trop clairs en nuit américaine. Ce fût notamment le cas pour « Big Fish » de Tim Burton : les scènes nocturnes autour du lac, tournées en nuit américaine, ont été retravaillées lors de l’étalonnage numérique, notamment pour descendre la luminosité des ciels, afin d’obtenir un rendu plus « naturel » ; résultat que Rousselot juge relativement réussi, même s’il considère qu’aujourd’hui grâces aux progrès technologiques cela aurait pu être encore mieux.

« Big Fish » de Tim Burton

Lors d’un tournage en numérique, l’utilisation de LUT voire de pré-étalonnage sur le plateau permettent d’avoir une idée plus précise du rendu final et donc d’effectuer des ajustements plus fins dans les réglages lumière dès le tournage.

D’autre part, certaines caméras numériques récentes, affichant une sensibilité largement supérieure à la pellicule, ont modifié la façon d’aborder les tournages de nuit, et contribué à tirer les nuit cinématographiques vers des images plus denses, puisqu’on peut capter plus de nuances dans les basses lumières. Xavier Dolléans n’a ainsi pas hésité à pousser la Venice, choisie justement pour sa sensibilité, jusqu’à 3200 ISO voire plus. La représentation de la nuit va vers de plus en plus de naturalisme, et plus de subtilité dans les effets, ce qui modifie aussi notre perception de spectateur quand au curseur du réalisme et de l’acceptable. Les spectateurs se montrent de plus en plus exigeants sur la vraisemblance de la lumière dans les films historiques, notamment lorsqu’ils mettent en scène des périodes antérieures à l’apparition de l’électricité et des ampoules.

« Germinal » se passe souvent de nuit, à une époque et dans des lieux où l’éclairage privé et public restait très faible, et qui plus est dans le milieu minier donc dans des décors où le charbon est omniprésent. Le noir y remplit donc une place narrative et visuelle essentielle. Le directeur de la photo s’est ainsi beaucoup intéressé à la question de la reproduction des noirs dans toutes leurs nuances et ses textures, s’inspirant notamment des recherches du peintre Pierre Soulages.

Œuvres de Pierre Soulages utilisées comme référence par Xavier Dolléans pour « Germinal »

Pour autant, ce n’est pas parce qu’il y a moins besoin d’éclairer un décor pour y voir quelque chose de nuit qu’on n’a plus besoin d’éclairer. De même qu’une image de cinéma n’est jamais un simple enregistrement soi-disant neutre de la réalité : même une lumière « naturaliste » n’est jamais « naturelle », on choisit toujours un angle de caméra, une incidence de la lumière en lien avec l’axe, on ajuste la dureté/douceur et la couleur des sources, on retravaille les contrastes entre les différentes zones. Le naturalisme n’est jamais qu’une impression.

A contrario, les progrès de l’étalonnage numérique permettent aussi de multiplier les possibilités créatives, par exemple en travaillant les couleurs de façon sélective selon la luminosité. Dolléans et son étalonneur Karim el Katari ont ainsi pu ajouter du jaune dans les hautes lumières de Germinal, sans toucher aux basses.

Un photogramme extrait de « Germinal »

La justification des sources de lumière

Dans les extérieurs nuit notamment, mais aussi dans les intérieurs où aucune lumière praticable n’est visible, le directeur de la photo est souvent confronté à la question de la justification des sources de lumière. Comment peut-on y voir quelque chose quand il n’y a pas de source de lumière dans la réalité ? Il n’est pas toujours évident au tournage de déterminer si la direction d’une source placée par le chef opérateur mais sans aucune justification à l’image et dans le décor va poser question au spectateur, ou si cela ne lui traversera même pas l’esprit car le rendu correspond à ses représentations mentales, et qu’il est par ailleurs pris par l’histoire. On retrouve alors l’idée de convention : il peut être utile de montrer la source de lumière supposée en début de séquence, si sa présence n’est pas une évidence pour le spectateur (selon les cadres, le montage par exemple, même si le spectateur est aussi souvent capable de deviner spontanément) : par exemple la lune, ou un lampadaire, ou dans une pièce sombre la lumière provenant d’une autre pièce éclairée. Il m’est parfois arrivé en regardant un film d’être déroutée par une lumière, notamment colorée donc d’autant plus surprenante, dont je ne parvenais pas à comprendre l’origine diégétique – ce qui a tendance à me sortir un peu du film – en découvrant plus tard qu’elle venait par exemple d’un néon jusque-là hors champ. Y compris en jour d’ailleurs, le fait d’avoir montré la présence dans le décor de sources de lumière diégétique permet au spectateur d’accepter plus facilement que les comédiens et les lieux soient éclairées, quand bien même ils ne le sont pas réellement par ces éléments et ne le pourraient pas (du fait de la nature des projecteurs ou de la direction de leur faisceaux). Par exemple si dans un plan où on est face à un personnage on distingue une lampe en arrière-plan sur le côté droit de l’image, on accepte tout de suite que ce personnage soit éclairé par sa gauche, malgré le fait que la lampe en question soit trop en arrière pour avoir une direction vraiment latérale voire 3/4 face sur le visage du comédien. C’est pourtant une autre source lumineuse, hors champs, positionnée par le directeur photo, qui éclaire effectivement le visage du comédien.

Cet exemple montre bien que le réalisme n’est pas un simple copié-collé de la réalité : il s’agit de rendre crédible un effet, et de reproduire une sensation, qui peut avoir différentes facettes (la nuit peut aussi bien véhiculer une atmosphère tamisée et chaleureuse qu’une ambiance inquiétante par exemple).

La question de la justification des sources de lumière se révèle d’autant plus complexe quand de fait la diégèse ne présente aucune lumière praticable, surtout si en plus il s’agit justement de raconter une profonde obscurité. C’était notamment la situation à laquelle Xavier Dolléans s’est retrouvé confronté dans « Germinal », pour des extérieurs nuit dans des lieux et à une époque où il n’y avait pas d’éclairage public. Comment rendre alors crédible la présence d’un minimum de lumière pour rendre les personnages et les éléments de décor essentiels à la narration un minimum visibles ? Tout est une savante question de direction et dureté/douceur des directions de lumière, et de dosage des contrastes.

L’obscurité, lieu du fantasme

Plus fondamentalement, le choix de situer une séquence en « nuit » n’est jamais anodin du point de vue narratif. C’est un choix artistique et non pas simplement factuel.

L’ambiance lumineuse influe sur le jeu des acteurs. Rousselot fait remarquer qu’il est intéressant de faire des répétitions avec juste les lampes praticables, cela permet aux acteurs d’être dans l’ambiance lumineuse réelle et de pouvoir agir de façon juste par rapport à ce que les personnages peuvent ou non voir, par exemple ils peuvent vouloir s’approcher pour mieux distinguer quelque chose.

L’origine de notre représentation de la nuit remonte notamment à la période romantique. La nuit véhicule tout un imaginaire du dissimulé, du mystérieux, de l’inconnu ; ainsi que d’un temps à part, que cela renvoie au rêve et donc à la possibilité de s’inventer des mondes, comme à la liberté, la transgression des interdits, aux univers et cultures underground (on peut penser au fameux « monde de la nuit » : les fêtes les plus délirantes ne pourraient pas avoir lieu en plein jour, les trafics ont rarement lieu en plein lumière).

 

Claude-Joseph Vernet, Un port de mer au clair de lune (1771).

Rousselot cite une anecdote se rapportant à Proust : dans l’un des salons mondains de l’époque était présentée l’une des premières ampoules à incandescence, produisant une lumière bien plus intense que les bougies et lampes à pétrole utilisées jusque-là. L’écrivain déplore alors la « fin des coins sombres » : si tout devient visible, il n’y a plus d’inconnu, de mystère, donc plus de projection possible. La nuit laisse place à une certaine « licence », on ose davantage si on a moins peur d’être vu ; et ce qu’on ne voit pas, on peut le fantasmer.

L’obscurité se révèle aussi souvent angoissante : les thrillers, les films d’horreur, de monstre ou à suspens jouent largement sur l’obscurité, comme sur le hors-champ, tout ce qui ne se voit pas et donc alimente nos interrogations et nos fantasmes, et donc notre implication active dans le visionnage du film. La vue est notre principal sens, en être privé nous déroute facilement et nous cherchons à savoir ce qui se cache dans le noir.

« L’homme de Londres » de Béla Tarr – Une ambiance nocturne pour une rencontre louche

Une question de contrastes : les hautes lumières, alliées des zones sombres

L’obscurité n’existe que par contraste avec la lumière.
On pourrait penser que représenter les nuits de façon réaliste, ce serait s’efforcer de reproduire les caractéristiques de la vision nocturne humaine : faible contraste, peu de couleur voire des aberrations chromatiques, manque de définition, sensation de léger flou, texture bruitée/granuleuse. Or si on applique strictement et uniquement ces principes, on obtient une image peu esthétique et peu intéressante. Par ailleurs au bout d’un moment l’œil s’accommode du manque de luminosité : le bruit ressort d’autant plus et le noir ne paraît plus si noir. La vue humaine reposant énormément sur la comparaison plutôt que sur une évaluation dans l’absolu, il est ainsi important de garder du contraste dans les images de nuit : la présence de touches de lumière intense permet aux basses lumières d’apparaître par contraste encore plus sombres, et surtout de le rester au cours du temps en empêchant l’œil du spectateur de passer en mode « vision nocturne ».

« Les animaux Fantastiques » de David Yates – La pointe de lumière qui rend l’obscurité plus profonde

Ce qu’on voit, et ce qu’on ne voit pas, telle est la question… Sur laquelle tout le monde doit s’accorder !

L’envie de voir conduit souvent les réalisateurs et producteurs à pousser les séquences de nuit vers des images plus claires que la réalité mais aussi au-delà des envies du directeur de la photo. Il est ainsi important d’aborder la question du niveau d’obscurité et de ce qui sera lisible ou non, et à quel point, dès la phase de préparation et avec l’ensemble des décisionnaires : le réalisateur mais aussi souvent les diffuseurs. Cela permet au chef op d’éviter des déconvenues en découvrant le résultat final et de justifier, défendre et faire entendre et respecter ses idées et choix en termes de contraste et notamment de niveau des noirs, notamment auprès des chaînes de télévision ou des plateformes de streaming, souvent frileuses quant aux partis-pris visuels marqués et audacieux.

Ainsi pour « Germinal », Xavier Dolléans souhaitait obtenir une image à la fois dense et métallique, avec des noirs profonds, ce qui n’était pas évident à faire accepter au diffuseur. Mais grâce à un important travail de recherches et de dialogue en amont du tournage, il a réussi a montrer la justesse de ses idées, puisqu’il s’agissait de représenter les rudes conditions de travail et de vie des mineurs de la fin du XIXe siècle, évoluant dans des lieux souvent sombres et à l’atmosphère chargée de pollution et de fumée. Dans sa façon d’exposer, il devait également tenir compte de la double diffusion possible des images, destinées certes principalement au streaming mais dont il était clair dès le départ qu’elles seraient aussi projetées en salle, notamment dans des évènements tels que Camerimage.

Comme évoqué plus haut, le numérique, avec l’apparition de moniteurs de qualité, le recours à des LUT voire la possibilité de réaliser un pré-étalonnage sur le plateau, offrent des outils qui facilitent la communication entre tous les intervenants en montrant concrètement un aperçu qui se rapproche de l’image finale dès le moment du tournage et permet des rectifications immédiates, évitant que le réalisateur, notamment, soit surpris au moment du montage.

Rousselot évoque une séquence des « Animaux Fantastiques », où il avait choisi de baser la lumière sur une variation temporelle de l’intensité de la lumière lunaire, due au passage de nuages devant la lune, le décor oscillant ainsi entre l’ombre et la lumière durant la séquence. La justification de cet effet ne semblant pas forcément évidente pour le spectateur directement plongé dans l’action (et qui ne voit pas « physiquement » le mouvement des nuages), le directeur de la photo avait ainsi demandé au producteur de le rendre compréhensible à l’aide d’un plan monté au début de la séquence. Ce plan large, réalisé en CGI et embrassant la ville de nuit d’un point de vue aérien,  montrait ce mouvement des nuages devant la lune, et l’effet ainsi produit. Le montage définitif ne comporte finalement rien de tout cela : le plan CGI n’inclut pas le mouvement des nuages devant l’astre lunaire et le monteur n’a par ailleurs retenu que les plans les plus lumineux !

Finalement, nuit ou jour, l’important est de ne pas oublier qu’une image n’est jamais la réalité ni même une simple capture de la réalité, mais quelque chose de fabriqué et qui traduit un point de vue, un regard – au sens plus large qu’uniquement visuel. Le cinéma est toujours une recréation du monde, qui va faire sens chez le spectateur selon ses propres représentations mentales, qui sont informées en partie dans la culture et l’époque dans lesquelles il évolue. En tant que chefs opérateurs, il nous appartient de modeler cette recréation visuelle en fonction du scénario et selon les intentions narratives et esthétiques du récit, tout en jouant sur nos références culturelles communes, que ce soit pour aller dans leur sens comme pour les déconstruire, au point parfois de les modifier.

> Image de couverture: « Les Animaux Fantastiques » (2016) de David Yates, DP Philippe Rousselot AFC, ASC

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ENGLISH VERSION

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Camerimage 2021 : The « night » onscreen – darkness, between naturalism and fantasy

Night sequences often challenge the cinematographer in many ways, both technically and artistically, and are the subject of both narrative and more prosaic issues related to the tastes of directors and broadcasters. Several cinematographers had the opportunity to address the question of how to film at night during this 2021 edition of Camerimage. Here is a look back at the seminar that Philippe Rousselot AFC, ASC dedicated to this subject, supplemented with the comments of Xavier Dolléans AFC, Union des Chefs Opérateurs during his intervention about « Germinal » TV series, as well as some personal thoughts on the subject.

The importance of conventions

Cinema relies partly on conventions linked to our culture and collective mental representations. Moreover, as these representations evolve over time, the spectator does not perceive images and their sequence in the same way depending on the time and cultural environment in which he or she evolves. Our understanding of a movie (and of images in general) also depends on our personal visual culture, from which our tastes are also forged, as well as on technical evolutions and the new possibilities they bring. The treatment of the night is also influenced by these issues.

Rousselot begins with an historical return to the origins of cinema. In the first movies, in black and white, the night was not at all treated in a realistic way. It must be said that the film stock back then were not very sensitive, it was often necessary to add artificial lights even during the day; it was difficult to get nuances in the dark areas. However, this did not prevent the audience from clearly understanding whether a sequence took place during daytime or at night, even though the images often appeared lighter than in reality. It is true that sometimes night scenes were tinted in blue to distinguish them from day scenes, but on one hand this was not so often the case and on the other hand the turn was often more of an expressive choice. The indication was coming more from the actions from the characters – for example turning on the light, or the insertion of a moon shot.

« A Terrible Night » by Georges Méliès – The light does not dim when the man blows out the candle

 

If nowadays the visual culture of the audience makes us turn towards more naturalistic effects, even now we must not neglect the conventional dimension that any representation carries.

« Day for night », or how to create night with day

A significant example that illustrates this importance of conventions and their evolution is the French term « nuit americaine », widely used in the past due to the lack of sensitivity of film stock, and still used today whenever it is difficult, or even impossible, to light correctly at night (with a setting that is way too large or barley accessible). Rousselot takes advantage of this to point out that in the script, the question of the possibility or the difficulty of shooting certain sequences, for example a night scene on a horseback in the rain, is not often asked.

In day for night, you underexpose and you generally try to put the camera against the light in order to silhouette the characters so that they stand out from the background and remain visible. Whether it’s sunny or cloudy, the choice remains a question of taste and suitability for the scenario. Although underexposed, the image in general and the faces in particular remain much more legible than they would be in reality. A more or less pronounced blue tint is also often used to recall the moonlight.

Rousselot thus evokes the sequence of « A river runs through it » where the two brothers sail on the river at night. The journey stretches over a long distance, and anyway the very situation of a boat sailing on the water makes it very expensive and complex – not to say impossible – to set up a lighting system for a night shoot. Then it soon became obvious that it was necessary to resort to « day for night ». Rousselot thinks, even more so today, that this effect does not work. Yet the audience does not notice this lack of realism, because they are above all caught up in the story.

« A river runs through it » by Robert Redford – Night sequence on the lake shot in day for night

The question of realism

This higher than normal brightness/readability is also linked to our desire as spectators to see the action and the expressions of the actors, a desire that also contributes to our tolerance of the lack of realism. On the whole, in a film, we accept many more things than in real life, in terms of image but also, of course, in terms of storytelling. It is also one of the pleasures of cinema to transport us into a different world, where we can dream, for example, by believing in the possibility of improbable coincidences… I believe that we are reaching here the magical dimension of cinema: the audience agrees to let itself be taken into a universe that is not quite governed by the same rules as reality; the desire for magic makes magic possible.

The idea of conventions implies that we are not in a totally realistic representation. It should be noted that the day for night can sometimes be used precisely to derealize night sequences. The night, and the cinematographic image, not to say the cinema, are never purely realistic anyway, it is necessarily an interpretation of reality. Even realism is a construction.

Playing with conventions by distancing oneself from them allows one to be creative, to tell something other than a simple transcription of reality. While night is often represented by a bluish coloring of the light, choosing like Darius Khondji AFC,ASC in « Delicatessen » or Jordan Cronenweth ASC in « Blade Runner » to create orange or even coppery outdoor night atmospheres gives them a richer meaning than simply informing that « it’s night »: a polluted night for the Los Angeles of Ridley Scott’s film, a strange and timeless night for the village in Jean-Pierre Jeunet’s. Moving away from conventions leads the story to a world detached from reality : a place far from the cities, a distant future, even an undefined and uncertain space-time, outside the world and outside time. It is difficult to determine whether certain sequences of these two films take place at night or during the day, which contributes to the feeling of strangeness.

The warm nights of « Delicatessen » by Jean-Pierre Jeunet

The contributions of technological progress : towards more realism ?

Technical and technological progress has offered new possibilities for filming. Digital color grading allows for more precise adjustments, for example to work on skies that are often too clear on day for night. This was notably the case for Tim Burton’s « Big Fish » : the night scenes around the lake, shot in day for night, were reworked during digital color grading, notably to lower the luminosity of the skies, in order to obtain a more « natural » rendering ; a result that Rousselot judges to be relatively successful, even if he considers that today, thanks to technological progress, it could have been even better.

« Big Fish » by Tim Burton

When shooting in digital, the use of LUTs or even pre-grading on set allows to have a more precise idea of the final rendering and therefore to make finer adjustments in the light settings during the shooting.

On the other hand, some recent digital cameras, with a much higher sensitivity than film stock, have changed the way of approaching night shoots, and contributed to pull cinematographic nights towards denser images, since we can capture more shades in the low lights. Xavier Dolléans did not hesitate to push the Venice, chosen precisely for its sensitivity, to ISO 3200 or more. The representation of the night is moving towards more and more naturalism, and more subtle effects, which also modifies our perception as spectators when it comes to the cursor of realism and acceptability. The audience is more and more demanding on the credibility of light in historical films, especially when they depict periods before the appearance of electricity and light bulbs.

« Germinal » often takes place at night, at a time and in places where private and public lighting remained very weak, and moreover in the coal mine environment, therefore in settings where coal is everywhere. Blacks therefore plays an essential narrative and visual role. The director of photography was very interested in the reproduction of blacks in all their nuances and textures, inspired in particular by the research of painter Pierre Soulages.


Works of Pierre Soulages used as a reference by Xavier Dolléans for « Germinal »

However, it is not because there is less need to light a set to see something at night that there is no need to light it. A picture is never a simple, supposedly neutral recording of reality : even a « naturalistic » light is never « natural », one always chooses a camera angle, an incidence of light in relation to the axis, one adjusts the hardness/softness and the color of the sources, one reworks the contrasts between the different zones. Naturalism is a feeling, not a reality.

On the other hand, the progress of digital color grading also enable multiple new creative possibilities, for example by working on the colors selectively according to the luminosity. Dolléans and his colorist Karim el Katari were thus able to add yellow in the highlights of Germinal, without touching the shadows.

A photogram from « Germinal »

The justification of light sources

In night exteriors in particular, but also in interiors where no practicable light is visible, the director of photography is often confronted with the question of the justification of light sources. How can one see something when there is no light source in reality? It is not always obvious on stage to determine if the direction of a source placed by the cinematographer but without any visible justification in the image and in the set will raise questions in the viewer’s mind, or if it will not even cross his mind because the rendering corresponds to his mental representations, and that he is otherwise taken by the story. This brings us back to the idea of convention : it can be useful to show the supposed source of light at the beginning of a sequence, if its presence is not obvious to the viewer (depending on the frames, the editing, for example, even if the viewer is also often able to guess spontaneously) : for example the moon, or a street light, or in a dark room the light coming from another lit room. It sometimes happened to me while watching a movie that I was confused by a light, especially a colored one (therefore all the more surprising), whose diegetic origin I couldn’t understand. This tends to bring me out of the film a little bit, discovering later that it was coming from a neon light, for example, which had been out of the picture until then. Even during the day, the fact of having shown the presence of diegetic light sources in the set makes it easier for the spectator to accept that the actors and the locations are lit, even if they are not really lit by these elements and could not be (because of the nature of the light source or the direction of their beams). For example, if in a shot where we are facing a character, we can see a light in the background on the right side of the image, we immediately accept that this character is illuminated from his left side, despite the fact that the light in question is too far back to have a really lateral direction or even 3/4 face on the actor’s face. However, it is another light source, out of the field, positioned by the director of photography, that actually lights the actor’s face.

This example shows that realism is not a simple copy and paste of reality : it is a question of making an effect credible, and reproducing a sensation, which can have different facets (the night can convey a subdued and warm atmosphere as well as a disturbing atmosphere for example).

The question of the justification of light sources is even more complex when the diegesis does not present any practicable light, especially if it is precisely about telling a deep darkness. This was the situation that Xavier Dolléans was confronted with in « Germinal », for night exteriors in a place and time when there was no public lighting. How then to make credible the presence of a minimum of light to make a minimum visible the characters and the elements of the decor essential to the narrative ? It’s all a question of direction and hardness/softness of the light directions, and the dosage of contrasts.

Darkness, a place of fantasy

More fundamentally, the choice to set a sequence in « night » is never trivial from a narrative point of view. It is an artistic choice and not simply a factual one.

The lighting atmosphere influences the actors’ performance. Rousselot points out that it is interesting to do rehearsals with just the practicable lights on, as this enable the actors to be in the real light environment and to be able to act in a way that is accurate in relation to what the characters can or cannot see, for example they may want to get closer to better distinguish something.

The origin of our representation of the night goes back notably to the romantic period. The night conveys an imaginary of the hidden, the mysterious, the unknown; as well as of a time apart, that it refers to the dream and thus to the possibility of inventing worlds, as to freedom, to the transgression of the prohibited, to the universes and underground cultures (one can think of the famous « world of the night » : the most delirious parties could not take place in full day, the traffics rarely take place in full light).

Claude-Joseph Vernet, « A Seaport in the Moonlight » (1771)

Rousselot quotes an anecdote related to Proust: in one of the salons of the late 19th century, one of the first incandescent light bulbs was on display, producing a much brighter light than the candles and oil lamps used until then. The writer then complains about the « end of the dark corners » : if everything becomes visible, there is no more unknown, no more mystery, therefore no more possible projection. The night leaves place to a certain  » licentiousness », one dares more if less afraid to be seen; and what one does not see, one can fantasize it.

Darkness also often proves to be frightening : thrillers, horror, monster or suspense movie play largely on darkness, as well as on the off-screen, on everything that cannot be seen and therefore feeds our interrogations and our fantasies, and therefore our active involvement in the viewing of the film. Sight is our main sense, being deprived of it easily confuses us and we wonder what is hidden in the dark.

Béla Tarr’s « The Man from London » – A nocturnal atmosphere for a suspicious encounter

A question of contrasts : the highlights, allies of the dark areas

Darkness exists only in contrast to light.
One might think that representing nights in a realistic way would mean trying to reproduce the characteristics of human night vision: low contrast, little color or even chromatic aberrations, lack of definition, sensation of slight blur, noisy/grainy texture. However, if we apply strictly and only these principles, we obtain an unattractive and uninteresting image. Moreover, after a while, the eye gets used to the lack of luminosity: the noise comes out all the more and the black does not seem so black anymore. As human eyesight relies heavily on comparison rather than on an absolute evaluation, it is important to keep contrast in night images: the presence of intense light zones allows the low lights to appear even darker by contrast, and especially to remain dark over time by preventing the viewer’s eye from switching to « night vision » mode.

David Yates’ « The Fantastic Beasts » – The light that makes the darkness deeper

What we see, and what we don’t see, that’s the question… That everyone has to agree on !

The desire to see often leads directors and producers to push the night sequences towards images that are clearer than reality but also beyond the desires of the director of photography. It is therefore important to discuss the question of the level of darkness and of what will be visible or not, and at what point, from the preparation phase and with all the decision-makers: the director but also often the broadcasters. This helps the cinematographer avoid disappointment when discovering the final result, and to justify his or her ideas and choices, to defend them, and have them respected in terms of contrast and specifically the level of blacks, especially with television channels or streaming platforms, which are often cautious about bold and strong visual choices.

For example, for « Germinal », Xavier Dolléans wanted to obtain a look that was both dense and metallic, with deep blacks, which was not easy to get the broadcaster to accept. But thanks to a lot of research and dialogue before the shooting, he succeeded in demonstrating the accuracy of his ideas, since the aim was to represent the harsh working and living conditions of the miners of the end of the 19th century, evolving in places that were often dark and with an atmosphere full of pollution and smoke. In the way he exposed, he also had to take into account the possible double distribution of the show, which was of course mainly intended for platforms but which it was clear from the beginning that it would also be screened in theaters, especially in events such as Camerimage.

As mentioned above, digital technology, with the introduction of high quality monitors, with the use of LUTs and even the possibility of pre-calibration on the set, offer tools that facilitate communication between all those involved by showing during the very shooting time a concrete preview that is close to the final image, which allows for immediate rectifications, avoiding the director, in particular, being surprised during the editing time.

Rousselot mentions a sequence from « The Fantastic Beasts », where he chose to base the light on a temporal variation in the intensity of the moonlight, due to the passing of clouds in front of the moon, the set thus oscillating between light and shadow during the sequence. The justification of this effect not being necessarily obvious to the audience directly immersed in the action (and who does not « physically » see the movement of the clouds), the director of photography thus had asked the producer to make it understandable with the help of a shot to insert at the beginning of the sequence. This wide shot, made in CGI and embracing the city at night from an aerial point of view, was to show the movement of the clouds before the moon, and the effect thus produced. The final cut does not include any of this : the CGI shot does not show the movement of the clouds in front of the moon, and the editor only retained the brightest shots !

Finally, night or day, the most important thing is not to forget that an image is never reality, nor even a simple record of reality, but something created that convey a point of view, a look – in a broader sense than just visual. Cinema is always a re-creation of the world, which will make sense to the audience according to its own mental representations, which are partly informed by the culture and the time in which they evolves. As cinematographers, it is up to us to shape this visual re-creation according to the script and to the narrative and aesthetic intentions of the story, while playing on our common cultural references, whether to follow them or to deconstruct them, sometimes to the point of modifying them.

> Cover image : « Fantastic Beasts and Where to Find Them » (2016) by David Yates, DOP Philippe Rousselot AFC,ASC