Torun, en Pologne, nous a accueillis pour cette nouvelle édition de Camerimage du 9 au 16 Novembre.

Un retour aux sources puisque c’est dans la ville natale de Copernic, qu’est né le Festival International de l’image en 1992. Festival dont les trophées ultimes sont des grenouilles, en référence à une fable locale qui n’est pas sans rappeler celle du joueur de flûte et des rats. La ville est donc parsemée de sculptures de grenouilles en pierre, en bronze et autres matériaux.

Pourtant, celle qui me fait davantage penser à notre industrie, c’est celle que l’on place dans un récipient d’eau froide chauffée lentement jusqu’à ce que le batracien succombe dans une béatitude résignée. Cette même grenouille qui s’était enfuie auparavant lorsqu’on l’avait plongée dans une eau tiède. Cette parabole bien connue met en lumière le fait que l’on accepte beaucoup de choses lorsqu’elles arrivent progressivement.

On peut en déduire que c’est la routine qui induit cette (non) réaction mais le feu ne s’allume pas tout seul sous le récipient. Dans notre cas, ce sont les productions qui font monter la température. Ils sont aussi les grenouilles des organismes qui en font autant avec eux (les chaînes, les plateformes de streaming, les clients dans la pub…).

C’est la vie, peut-on en conclure avec fatalité… Et puis, cela ne va pas si mal que cela quand on pense aux fastes des Festivals et les expositions professionnelles nombreuses. Mais en fait, nous vivons dans le confort de l’illusoire que nous procure la chance de travailler… mais dans quelles conditions.
Même « l’industrie » du rêve doit  pouvoir regarder la vérité en face : nous sommes au bord du gouffre.  Que ce soient les techniciens (qui se plaignent du manque de travail et des faibles rémunérations), les loueurs qui, à force de brader leurs prestations, n’ont plus les moyens d’investir avec une vraie vision et les fabricants qui pour la plupart tentent de survivre dans un monde où il ne reste que peu de place après le passage des machines de guerre  multinationales, qui frappent à coup de marketing à outrance.

Est-ce normal qu’une production impose à son chef opérateur la caméra, les optiques ? Est-ce normal que le CNC donne des aides à des projets dont les budgets sont manifestement en dessous du seuil de pauvreté ? Est-ce normal que l’on trouve des appareils en location qui ont plus de 20 ans ?
Nous sommes à quelques degrés de la destruction, ayant déjà dépassé le raisonnable et l’inacceptable depuis bien longtemps.

Alors quand allons-nous nous réveiller ? Quand allons-nous sauter hors de la casserole ?

Nous sommes censés le faire car, à la base, c’est une expérience. En effet le but de celui qui fait chauffer l’eau n’est pas de tuer la Grenouille mais de voir à quelle température (quel montant) elle va se propulser hors de la zone de danger (arrêter la négociation). Comme cette dernière meurt avant la fin de l’expérience, il faut que le laborantin prenne conscience qu’il y a des minimums à respecter. Il en est de même pour les productions :  Les postes techniques des budgets ont perdu depuis longtemps déjà des montants réalistes. Il n’est en aucun cas question de diaboliser les producteurs et directeurs de production :  leur travail est d’obtenir le maximum en dépensant le minimum et force est de constater que malgré la diminution des coûts de prestation, on fait toujours des films, et de plus en plus d’ailleurs.
Par contre, il est du devoir des prestataires et quiconque respecte le métier de dialoguer, d’argumenter et d’échanger. Un jour plus ou moins proche, les fabricants petits et moyens disparaîtront et avec eux la possibilité de choisir plusieurs types d’appareils innovants et originaux. On rentrera dans un formatage à la Apple (c’est déjà le cas) où ce seront les outils qui dicteront l’esthétique d’une image soft et ultra colorée (c’est déjà le cas aussi).
Les guerres des prix affaiblissent les entreprises qui ont du mal à offrir des services de qualité et les baisses de rémunération provoquent une désertion de la main d’œuvre qualifiée qui change de secteur professionnel et nous prive de leur expérience.

Alors, on saute de la casserole pour dialoguer avec les productions, les loueurs, les techniciens et les fabricants ? Le CNC, l’ARP, l’ADP, l’AFC, la FICAM tentent de se retrouver autour d’une table pour évoquer ce qu’est la normalité ?
N’hésitez pas à me contacter si vous avez des idées, des propositions, envies de se rencontrer.

Un peu de réflexion en fin d’année, que je vous souhaite bonne et fructueuse (et ce n’est pas de l’ironie).

Marc Galerne / K5600

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