Le choix du ratio d’image va bien au-delà du format technique : il structure l’expérience visuelle. Projeter un film dans le mauvais ratio peut déformer l’image, couper des parties essentielles du cadre, ou mal placer les sous-titres, compromettant l’intention artistique et l’impact émotionnel.
Le problème des ratios d’image ne date pas d’hier. Sergei Eisenstein s’en inquiétait déjà en 1930, notamment avec l’arrivée du cinémascope, craignant que la standardisation d’un nouveau format d’écran ne « paralyse » les efforts de composition des artistes.
Claire Denis illustre cette liberté artistique en tournant souvent en format scope (2,39:1), même pour des récits intimistes. Dans « Beau Travail » par exemple, elle joue sur le contraste entre le cadre étendu et l’intimité des interactions, augmentant l’expérience sensorielle.
Éric Cheriou, directeur technique de la CST, soulignait avec tous les panélistes, lors d’une conférence à la CST, l’importance de respecter chaque format, du tournage à la projection, en ajustant les projecteurs via des macros spécifiques pour chaque ratio.
Astuces pour une projection optimale
Pour assurer une projection conforme à la vision du réalisateur, l’utilisation des « macros » des projecteurs doit être rigoureusement paramétrée. Par exemple, une erreur fréquente réside dans la confusion entre les ratios 2.35 et 2.39. Bien que ces deux formats soient proches, une projection mal ajustée peut déformer l’image ou introduire des erreurs visuelles. La CST recommande l’utilisation de mires adaptées pour vérifier et corriger les déformations géométriques et le masking afin de garantir des bords nets et droits.
En ce qui concerne les ratios moins courants, comme le 1.66 ou le 1.33, couramment utilisés pour des films patrimoniaux ou documentaires, des ajustements manuels peuvent être nécessaires en l’absence de macros prédéfinies. Le cadrage doit parfois inclure une « marge de sécurité » autour du cadre actif pour éviter les coupures lors de la projection. Une pratique courante consiste à n’utiliser qu’une partie du capteur de la caméra, mimant ainsi la texture du 35 mm tout en garantissant une plus grande flexibilité lors du cadrage en post-production.
Cap sur l’avenir avec le ratio dynamique
De plus en plus de réalisateurs expérimentent avec des ratios dynamiques au sein d’un même film, une tendance rendue possible par la flexibilité des projecteurs numériques modernes. Cela permet de jouer avec l’immersion du spectateur, mais demande aux projectionnistes de s’adapter rapidement aux changements de format. L’usage de macros spécifiques et d’une attention accrue au framing est ici essentiel pour garantir une continuité fluide dans les transitions de ratio.
Masquage et framing : la précision avant tout
Un autre aspect important est l’ajustement du « masking » pour chaque projection. Cette technique permet de corriger les déformations des bords de l’image en utilisant des valeurs MIR, une solution recommandée par la CST pour éviter les aberrations visuelles. Utiliser les mires pour vérifier la précision du masking avant chaque projection est une bonne pratique qui limite les ajustements de dernière minute et garantit une qualité d’image optimale.
La gestion précise des ratios, qu’ils soient standards ou « exotiques », est une question de savoir-faire technique et d’attention aux détails. Les chefs opérateurs, en collaboration avec les projectionnistes et les salles équipées, peuvent ainsi offrir une expérience visuelle fidèle à l’intention du réalisateur et du public. La CST continue d’accompagner cette démarche en proposant des outils, mires et formations pour garantir des projections parfaites, quel que soit le format choisi.
Pour en savoir plus et accéder aux mires de calibrage, consultez les ressources mises à disposition par la CST:
https://cst.fr/choix-ratio-image-projection
La vidéo de la séance est très instructive:
Ont participé à la présentation et au panel de discussion:
- Baptiste Heynemann : délégué général de la CST
- Jean-Baptiste Hennion : Directeur général de 2Avi
- Thierry Beaumel : co-représentant du département Image de la CST
- Eric Chérioux : directeur technique de la CST
- Karim Dridi : réalisateur du film Revivre
- Pierre Mazoyer : chef opérateur image du film L’homme d’argile
- Tristan Frontier : directeur des opérations chez SND
- Audrey Kleinclaus : responsable des post-productions chez M141, co-représentante du Département Post-production de la CST
- Alain Surmulet : directeur général et technique de NOÉ Cinémas, co-représentant du Département Exploitation de la CST
Recommandations de bonnes pratiques pour les chefs opératrices et chefs opérateurs concernant les ratios d’image
- Maîtriser la chaîne de diffusion et tester sur différents écrans: familiarisez-vous avec les contraintes techniques des salles de cinéma, notamment les formats de conteneurs DCP Flat (1.85:1) et Scope (2.39:1). Dès la post-production, simulez le rendu de votre image sur ces deux types d’écrans pour anticiper l’impact de l’encapsulage DCP et affiner votre choix de conteneur avec la réalisation. Visualisez concrètement les bandes noires ou le rognage potentiel et ajustez l’image si nécessaire.
- Communiquer activement, au-delà des métadonnées: ne vous limitez pas aux métadonnées du DCP. Entretenez une communication proactive avec le distributeur et, si possible, avec l’exploitant. Pour les ratios non-standards, fournissez une mire spécifique CST et une newsletter technique expliquant les choix artistiques et les réglages de projection recommandés.
- Assumer le compromis « format exotique » vs « projection optimale »: soyez conscient.e qu’un ratio non-standard peut compromettre le rendu optimal dans certaines salles. Pesez le pour et le contre avec la réalisation et acceptez que des variations puissent survenir malgré vos efforts. L’important est de trouver le meilleur compromis pour préserver l’intention artistique.
- Préserver avec le DSM, diffuser avec le DCDM : utilisez le DSM (Digital Source Master) pour archiver votre film dans son format original et sa pleine résolution. Pour la diffusion, créez un DCDM (Digital Cinema Distribution Master) en respectant les normes DCP (2K/4K, Flat/Scope). Ce compromis est nécessaire pour l’exploitation actuelle, mais le DSM garantit la possibilité de futures adaptations.
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